Deux jours et deux nuits à Téhéran ont conclu notre aventure iranienne ; l’heure du bilan a sonné.
L’arrivée en Iran demande un temps d’adaptation, notamment parce qu’on arrive avec un tas d’idées et de représentations et qu’on ne sait pas trop à quelle sauce on va être mangés.
Finalement, si tant est que l’on respecte les codes, tout se passe très bien. Les iraniens eux-même s’y soumettent avec plus ou moins de convictions, alors quand il s’agit de touristes, tout le monde est plus indulgent.
Pour les femmes, le maître-mot c’est : sortez couvertes! Hormis le foulard obligatoire, le but est d’être le plus informe possible. Si beaucoup de femmes portent le voile intégral noir et austère, de nombreuses autres rivalisent d’ingéniosité pour se distinguer et souligner leur féminité : vêtements et foulard colorés, accessoires et maquillage (voire nez refait).
Il a donc bien fallu se résoudre à adopter un style irano-compatible : chemise longue à manches longues et foulard ; c’est un peu contraignant mais finalement on s’y fait plutôt vite (et puis positivons, le foulard protège du soleil et de la poussière). Les garçons ne sont pas en reste : shorts à proscrire et manches longues à privilégier.
Outre le dress code, les relations sociales sont aussi codifiées, notamment les relations entre hommes et femmes : de la retenue, de la retenue et surtout pas de contact. Pour se saluer, les hommes peuvent se faire la bise mais pas question de serrer la main à une femme en public. Dans les transports en commun (métro, bus,taxi, avion), un homme et une femme qui ne sont pas de la même famille ne peuvent pas s’assoir l’un à côté de l’autre, ce qui donne parfois lieu à un jeu de chaises musicales assez cocasses (si ce n’est un peu ridicule, parce que se bousculer dans les escalators apparemment ça c’est autorisé).
À côté de tout cela, on découvre une autre facette de l’Iran et des iraniens quand on entre dans l’intimité des logements. Là, le poids des contraintes disparaît, le voile tombe dans tous les sens du terme. En public il faut donner le change et se soumettre aux règles, mais à l’abri de leurs 4 murs, les iraniens retrouvent un brin de liberté. Ensemble nous avons bravé quelques interdits : héberger des étrangers est interdit mais le couchsurfing n’a jamais été aussi facile qu’en Iran (on a même été hébergé chez un couple non marié : super interdit) , l’alcool est prohibé mais dès notre 1er jour dans le pays on nous a servi du vin (fabrication maison), la télévision étrangère est bannie mais les paraboles fleurissent partout et tout le monde regarde la télé turque, on nous a même proposé de l’herbe une fois dans la rue…
Bon, braver les interdits c’est rigolo mais il faut tout de même faire attention : un de nos hôtes s’est fait arrêté il y a quelques années alors qu’il était ivre, il s’en est bien sorti mais risquait une amende et des coups de fouets…
Le couchsurfing nous a permis de rencontrer des gens très critiques à l’égard de leur pays, de leur gouvernement et de leur religion. Nous avons été surpris de constater que beaucoup de gens ne se disent musulman que sur le papier, ne pratiquent pas du tout la religion, voire sont athées.
Dans un registre plus léger, nous avons découvert le quotidien et la façon d’habiter des iraniens. Ce qui a d’ailleurs sauvé notre expérience culinaire iranienne. La gastronomie iranienne tourne beaucoup autour de la viande (kabap), il existe bien quelques plats traditionnels végétariens mais il est quasi impossible de les trouver au restaurant. Livrés à nous même, on a beaucoup tourné au sandwichs falafels mais nos chers hôtes nous ont fait découvrir beaucoup de plats très bons.
Il est de notoriété publique que l’Iran excelle dans l’art du tapis, ce serait donc dommage de se contenter de marcher dessus! Il est très fréquent de manger, voire même dormir sur le sol ; une nappe ou une couverture et hop la table est mise, le lit est fait! Autre particularité : il faut enlever ses chaussures et circuler pieds nus, et enfiler des claquettes prévues à cet effet pour aller aux toilettes (le plus souvent à la turque).
Par dessus tout, ce qui fait le charme d’un voyage en Iran, c’est de rencontrer des iraniens. Rarement auparavant nous avons rencontré des gens aussi gentils et généreux ; partout nous avons été accueillis comme des rois (un léger bémol pour Shiraz et Ispahan, qui sont très touristiques), partout des sourires et des mots de bienvenue. Et surtout, à aucun moment nous ne nous sommes pas sentis en sécurité.
Si la 1 ère attraction de l’Iran, ce sont les iraniens, le pays offre aussi d’innombrables sites culturels et historiques. Il y a beaucoup à faire avec les endroits liés à la religion mais on trouve aussi beaucoup de monuments et d’édifices de l’époque pré-islamique.
Hormis dans les lieux culturels et touristiques, dans les bazaars et les parcs, ce n’est ni agréable ni facile de se balader en ville (sauf à Yazd) : il y a beaucoup de grandes artères et énormément de circulation (donc bruit et pollution). Les villes semblent principalement pensées pour les voitures, ce qui peut se comprendre quand on réalise leur étendue (des villes, pas des voitures). Du coup, comme les points d’intérêts sont souvent éparpillés, c’est difficile d’aller de l’un à l’autre à pied et nous avons fréquemment eu recours aux taxis (vraiment pas cher ceci dit).
Puisqu’on parle d’argent, il faut savoir gérer son budget ici parce qu’avec les sanctions américaines les CB étrangères ne fonctionnent pas, nous avons du arriver avec notre cagnotte. Nous nous sommes retrouvés millionnaires pendant quelques semaines, un euro valant officiellement 36000 rials (mais 40000 dans tous les bureaux de change). Pour ajouter un peu de sel, les iraniens comptent en tomans, qui valent 10 rials, rien de mieux pour jongler avec les prix. Ha et petit poil dans la choucroute, le gouvernement a imposé des prix différents pour les entrées des monuments pour les touristes: 30000 pour les locaux et 200000 pour nous (ça fait beaucoup de zéros, hein?). Un peu rageant…
Petite parenthèse sérieuse, on peut voir partout des portraits de jeunes hommes dans la fleur de l’âge (en plus de ceux omniprésents de Khomeiny et Khamenei). Sur les rond points, dans les rues, sur l’autoroute, sur les bâtiments… Ce sont des martyrs de la guerre avec l’Irak (1980-1988). Ils sont très respectés ici et le souvenir de la guerre encore très frais. Des jeunes (parfois très jeunes) se sacrifiaient et couraient déminer les champs de batailles. L’image est très marquante. C’est néanmoins celles-ci qui a permit de souder le pays contre l’ennemi de l’extérieur après la révolution islamique.
Vous l’avez compris, nous avons été conquis. C’est même un peu frustrés et à regret que nous sommes partis, donc nous comptons bien revenir, nous avons même déjà une ébauche d’itinéraire et de nombreux rendez-vous!